• Edulcorants artificiels: catastrophe

     Les édulcorants artificiels pourraient favoriser les maladies et l'intolérance au glucose

     04 novembre 2014, 18 h 15

    edulcorants artificielsEdulcorants en comprimés
    © Frédéric Bisson

      Les édulcorants artificiels ont le vent en poupe : censés remplacer avantageusement le sucre, sans en avoir les inconvénients, on les retrouve depuis quelques années dans les yaourts sans sucre et de nombreux plats de régime. On dit qu'ils aident à perdre du poids et à prévenir le diabète, mais ils pourraient en réalité accélérer le développement de l'intolérance au glucose et de maladies métaboliques. Ils font cela d'une manière surprenante, en changeant la composition et le fonctionnement de la flore intestinale, l'importante population de bactéries qui se trouve dans les intestins. Ces découvertes, résultats d'expériences faites sur des souris et sur des humains, ont été publiées dans la revue Nature.

    Sucralose (splenda), Aspartame, Néotame, Acésulfame, Saccharine, Cyclamate... Ces édulcorants artificiels ont envahi nos produits alimentaires en remplacement du sucre considéré dorénavant comme une bête noire. Résultat : des milliers de boissons (notamment les sodas), desserts, préparations culinaires, céréales, plats préparés, yaourts, chewing-gum (gommes à mâcher), édulcorants de table ou "sucrettes"... intégrent dans leur composition des édulcorants artificiels de plus en plus controversés suspectés de contribuer à l'épidémie d'obésité et de diabète qui se répand actuellement dans de nombreux pays.

    Ainsi, le docteur Eran Elinav du département d'Immunologie de l'Institut Weizmann (Israel), a mené avec le professeur Eran Segal, du département d'Informatique et de mathématique appliquée, une étude sur l'utilisation généralisée d'édulcorants artificiels dans les boissons et dans la nourriture.

    Pendant des années, les chercheurs ont eu du mal à comprendre le fait que les édulcorants artificiels non caloriques semblent ne pas aider ceux qui les utilisent à perdre du poids, et certaines recherches ont même suggéré qu'ils pourraient avoir un effet opposé. Ils ont découvert que les édulcorants artificiels, même s'ils ne contiennent pas de sucre, ont un effet direct sur la capacité du corps à utiliser le glucose. Or, l'intolérance au glucose – dont on considère généralement qu'elle se déclare lorsque le corps n'est pas capable de réagir à de grandes quantités de sucre dans le régime alimentaire – est le premier pas vers le syndrome métabolique et le diabète de l'adulte.

    Les édulcorants artificiels perturbent la flore intestinale des souris

    Les scientifiques ont donné aux souris de l'eau contenant les trois édulcorants artificiels les plus couramment utilisés, en quantités équivalentes à celles qui sont autorisées par la Food and Drug Administration. Ces souris ont développé une intolérance au glucose, par rapport aux souris qui boivent de l'eau, ou même de l'eau sucrée. Les répétitions de cette expérience avec différents types de souris et différentes doses d'édulcorants ont donné les mêmes résultats : ces substances ont en quelque sorte induit l'intolérance au glucose.

    Les chercheurs ont ensuite étudié une hypothèse selon laquelle le microbiote intestinal (= flore intestinale) est impliquée dans ce phénomène. Ils ont pensé que les bactéries pourraient réagir à de nouvelles substances telles que les édulcorants artificiels que même le corps n'identifie pas comme « nourriture ». De fait, les édulcorants artificiels ne sont pas absorbés dans l'appareil digestif, mais en le traversant, ils rencontrent des milliards de bactéries dans le microbiote intestinal.

    Les chercheurs ont traité les souris à l'aide d'antibiotiques afin de détruire la plupart de ces bactéries intestinales, ce qui a eu pour conséquence de supprimer complètement les effets des édulcorants artificiels sur le métabolisme du glucose. Ils ont ensuite transféré à des souris sans germes le microbiote provenant de souris consommant des édulcorants artificiels, ce qui a eu pour résultat une transmission complète de l'intolérance au glucose aux souris receveuses. Ceci était en soi une preuve concluante que des changements chez les bactéries intestinales sont directement responsables des effets néfastes sur le métabolisme de leurs hôtes. Le groupe a même découvert que le fait d'incuber le microbiote à l'extérieur du corps, avec des édulcorants artificiels, était suffisant pour induire l'intolérance au glucose chez les souris stériles. Une caractérisation détaillée du microbiote chez ces souris a révélé de profonds changements chez leurs populations bactériennes, qui comprennent de nouvelles fonctions microbiennes connues pour induire une tendance à l'obésité, au diabète et à des complications de ces problèmes chez la souris et chez l'homme.

    Le microbiome humain fonctionne-t-il de la même manière ?

    Les docteurs Elinav et Segal ont aussi trouvé un moyen de répondre à cette question. En premier lieu, ils ont examiné des données recueillies par leur Personalized Nutrition Project, la plus grande tentative jusqu'à présent pour trouver un rapport entre la nutrition et le microbiote chez l'homme. Ils y ont découvert une importante relation entre la consommation autodéclarée d'édulcorants artificiels, les configurations personnelles de bactéries intestinales et la tendance à l'intolérance au glucose. Ils ont ensuite fait une expérience contrôlée, en demandant à un groupe de volontaires, n'ayant pas l'habitude de manger ou de boire des aliments artificiellement sucrés, d'en consommer pendant une semaine, et ensuite d'effectuer des analyses de leur taux de glucose et de la composition de leur flore intestinale.

    Les résultats ont montré que beaucoup de volontaires (mais pas tous) ont commencé à développer de l'intolérance au glucose après exactement une semaine de consommation d'édulcorants artificiels. La composition du microbiote intestinal a expliqué la différence : les chercheurs ont découvert deux populations différentes de bactéries intestinales, l'une induisant l'intolérance au glucose lorsqu'elle est exposée aux édulcorants, et l'autre n'ayant aucune réaction. Le docteur Elinav pense que certaines bactéries présentes dans les intestins de ceux qui développent l'intolérance au glucose réagissent aux édulcorants chimiques en sécrétant des substances qui provoquent alors une réaction inflammatoire semblable à une surdose de sucre, ce qui stimule des changements dans la capacité du corps à incorporer le sucre.

    Le docteur Segal explique : « Notre rapport avec nos propres mélanges individuels de bactéries intestinales est un facteur qui joue un rôle déterminant sur l'influence de l'alimentation sur notre santé. Il est particulièrement intéressant de trouver le lien entre l'utilisation d'édulcorants artificiels – au moyen des bactéries de nos intestins – et la tendance à développer les maladies qu'ils sont censés empêcher. Ceci fait appel à une réévaluation de la consommation massive actuelle et non surveillée de ces produits. »

    Une étude réfutée par les professionnels des édulcorants

    Dans un communiqué relatif à la publication de cette étude, l'Association internationale des édulcorants (ISA) "réfute fermement les allégations formulées dans l'étude de Suez et al. Il existe un large faisceau de preuves scientifiques qui démontrent clairement que les édulcorants basses calories ne sont pas associés à un risque accru d'obésité et de diabète, tout comme ils n'ont pas d'effet sur l'appétit, le niveau de glucose dans le sang ou le gain de poids."
    Evidemment, nous ne pouvions attendre d'autre réaction de la part de ceux qui s'enrichissent en produisant ces composés chimiques controversés mais très lucratifs.

    Au contraire, l'étude de l'Institut Weizmann apporte de nouveaux éléments à charge contre les édulcorants artificiels qui n'existent que pour servir la logique de l'agrobusiness, trop heureux de profiter de notre incapacité à modérer et penser notre consommation alimentaire au quotidien.

    Référence

    Artificial sweeteners induce glucose intolerance by altering the gut microbiota - Nature 514, 181–186 (09 October 2014) doi:10.1038/nature13793

    Auteur

     Christophe Magdelaine / notre-planete.info - Tous droits réservés


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