• Enfant despote?

     Votre enfant est un despote ? Voici ce qu'il faut faire

    - Mis à jour le 18-01-2013
    Nathalie Funes    Par

    Surtout ne pas tomber dans les cinq "s" : surconsommation, survalorisation, surstimulation, surprotection, surcommunication. Et ne pas avoir peur de les frustrer.

    Les "parents hélicoptères" feraient de leurs enfants des "wimps" (mauviettes) ou des dépressifs chroniques. (BEE FREE - PGrandicelli/Flickr/CC)

    Les "parents hélicoptères" feraient de leurs enfants des "wimps" (mauviettes) ou des dépressifs chroniques. (BEE FREE - PGrandicelli/Flickr/CC)

     

    Comment la jeunesse d'aujourd'hui s'est-elle muée en despote ? Comment les parents ont-ils fait de leurs enfants des pachas ? Comment résister au "moi, moi, moi" ? L'analyse et les conseils du psychologue clinicien Didier Pleux. Directeur de l'Institut français de Thérapie cognitive, il est notamment l'auteur de "De l'enfant roi à l'enfant tyran" et "Manuel d'éducation à l'usage des parents d'aujourd'hui" (Odile Jacob).

    Comme beaucoup de vos confrères, vous voyez de plus en plus d'enfants tyrans en consultation. La faute à qui ? A la société de consommation, à la permissivité post-soixante-huitarde, au boom des divorces, à la démission des parents ?

    - A plusieurs éléments. La société de consommation et son culte du plaisir immédiat ; la priorité désormais accordée au bonheur individuel, l'incommunicabilité ou les discours contradictoires de certains parents divorcés ; tout cela participe à l'émergence des enfants rois. Je préfère cependant parler de génération Dolto. La psychanalyste avait l'habitude de répéter que "les enfants n'ont que des droits, les parents, que des obligations". Elle voyait dans son cabinet des jeunes anéantis par une éducation rigide ou des carences affectives. Reconnaître un être à part entière dans l'enfant était une nécessité.

    Mais l'époque n'est plus la même. Françoise Dolto est morte en 1988. Je suis prêt à parier qu'elle ne tiendrait pas le même discours aujourd'hui. Cela a d'ailleurs été le cas de Benjamin Spock, le célèbre pédiatre américain. A la fin de sa vie, il a déclaré que ses principes éducatifs "permissifs" des années 1960 et 1970 étaient devenus obsolètes avec les nouvelles générations. Mais le résultat est là : il y a eu une trop grande "psychanalysation" de l'éducation : on quête le sens, on sur-interprète, on oublie le bon sens. Un enfant qui sépare les wagons de son train ne manifeste pas nécessairement son angoisse du divorce de ses parents, comme s'en est inquiétée une mère dans mon cabinet. Un gamin qui ne s'oppose pas n'est pas obligatoirement castré. Un jeune qui traite son père de "sale con" n'a pas trouvé là le moyen salutaire de tuer son paternel. Platon, déjà, disait : un adolescent qui n'a pas de maître va dans la tyrannie.

    Que peuvent faire aujourd'hui des parents dépassés par un enfant despotique ?

    - Dans ma génération, celle des enfants nés avant la pilule et l'avortement, on a souvent entendu qu'on était des erreurs de contraception. Aujourd'hui, c'est peu dire que l'enfant est désiré. On décide de tout. De la date, bientôt, peut-être, du sexe, on attend le prince. L'enfant est un prolongement de moi, un petit moi, il me valorise, c'est toute ma vie. Malgré cela, il faut essayer de ne pas succomber aux cinq "s" . Surconsommation : l'enfant est couvert de jouets. Survalorisation : on lui répète qu'il est la huitième merveille du monde. Surstimulation : c'est un enfant orchestre qui apprend à compter avant d'entrer en maternelle. Surprotection : c'est toujours l'autre (l'instituteur, le petit copain...) qui a tort. Et surcommunication : tout doit être expliqué.

    Evidemment, il ne s'agit pas de revenir à l'autoritarisme, aux archaïsmes et à l'orange sous le sapin de Noël. Mais à un minimum de mesure : limiter les listes de cadeaux, ne pas s'imaginer qu'on a engendré un surdoué, ne pas passer par pertes et profits les règles de vie (ranger, débarrasser la table...), ne pas expliquer pendant trois heures pourquoi l'autorisation de sortie s'arrête à minuit. En gros, il faut dire à l'enfant : oui, tu peux jouir de la vie, mais il y a aussi des contraintes. Et surtout bien se mettre dans la tête qu'un parent frustrant ne rend pas son enfant malheureux, au contraire.

    Si les parents ne réagissent pas, l'enfant roi deviendra un adulte despote ?

    - Pas forcément. Il suffit qu'il croise un modèle, un professeur, un animateur sportif, pour que l'indispensable verticalité, c'est-à-dire l'autorité, soit remise dans sa vie. Mais s'il ne rencontre aucune opposition, il va continuer dans la toute-puissance. Cela donnera peut-être un Sarkozy qui disait "regardez comme elle est belle, ma femme" ou un DSK, qui a poussé toujours plus loin son addiction sexuelle. Il n'aura pas de conscience morale, pas de conscience de l'autre, pas de culpabilité, il sera dans la jouissance immédiate.

    Certains se cogneront un jour à la réalité, en amour, dans le travail, et accumuleront les échecs douloureux. D'autres réussiront jusqu'à leur mort à manipuler leur entourage et à mener une carrière tyrannique. Cela dit, je reste optimiste. Les valeurs sociétales sont passées d'un extrême (travail, famille, patrie) à l'autre (moi d'abord). Mais, comme dans toute bascule, il y a une prise de conscience. Les parents voient bien que leur progéniture, aussi "gâtée" soit-elle, n'est pas heureuse. Ils réalisent qu'ils doivent reprendre leur rôle d'éducateur, que les plus jeunes ne sont pas leurs égaux, qu'ils ont nécessairement moins de libertés. Un enfant doit pouvoir rêver du monde des adultes. S'il l'a eu, petit, quels rêves lui restera-t-il quand il aura grandi ?

    Propos recueillis par Nathalie Funès - Le Nouvel Observateur


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :