La révolution digitale liée aux ordinateurs et à la communication est terminée. Nous sommes à l’aube de la suivante, celle de la fabrication digitale, annonce en substance Neil Gershenfeld. Cet universitaire américain est l’inventeur des Fablabs, les « laboratoires de fabrication ». En 2000 au MIT, l’Institut de technologie du Massachusetts, il crée une formation baptisée « How to make (almost) anything » (« Comment fabriquer tout – ou presque »). Le but : apprendre aux étudiants à se servir de nouvelles machines numériques permettant de fabriquer des objets. Le succès de ce cours et la créativité de ses participants donnent l’idée du Fablab. Pour créer un Fablab, il vous faut : une machine à découpe laser, un cutter pour faire des circuits électromagnétiques, une fraiseuse à l’échelle du micron pour fabriquer des circuits imprimés, des logiciels de programmation, une imprimante 3D. Mettez le tout librement à disposition du public – étudiants, entrepreneurs, designers, artistes… – et vous obtiendrez un mouvement désormais mondial.
Il existe aujourd’hui une centaine de Fablabs, aux Etats-Unis et en Afghanistan, en Norvège et au Ghana. En France ? Une douzaine, dont celui de de l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), qui vient de naître. Dans une conférence TED en 2007, Neil Gershenfeld racontait que les Fablabs font d’abord naître une « joie de pouvoir faire soi-même ». Mais pas seulement. Vient ensuite « l’étape de la résolution de problèmes locaux, poursuit l’universitaire. Des instruments pour l’agriculture en Inde, des turbines à vapeur pour convertir de l’énergie au Ghana, des ordinateurs en réseau, etc. »
Comme un inventaire à la Prévert
Selon lui, tout cela n’est qu’un début. Le seul frein actuel à l’expansion des Fablabs est d’ordre économique. « Aujourd’hui, aucun n’est capable de fonctionner sans subvention publique », indique la Fing (Fondation Internet nouvelle génération), qui a rédigé un rapport sur plusieurs d’entre eux. Pour compenser l’ouverture partiellement gratuite – « la raison d’être du Fablab », selon la Fing –, certains louent les machines, produisent à la demande, organisent des cours, aident des entreprises à démarrer un projet… Le Fablab d’Amsterdam a été lancé en 2008 par la Waag Society, une ONG qui s’intéresse à l’action sociale portée par les nouvelles technologies. Il a ses quartiers en plein cœur de la ville, au premier étage d’un château du XVe siècle, place Nieuwmarkt, des locaux prêtés gracieusement par la mairie.
Son accès est gratuit deux jours par semaine et le manager, Alex Schaub, se tient à la disposition du public. Mais les utilisateurs des machines doivent en échange se plier à une règle : raconter leur projet et les difficultés rencontrées. La liste des réalisations ressemble à un inventaire à la Prévert : un babyfoot avec comptage et affichage électroniques des points, un système pour fabriquer des prothèses de jambe modulables, un chargeur de téléphone qui fonctionne grâce à l’énergie d’un vélo lancé à pleine vitesse… Qu’importent les créations, pourvu qu’elles viennent des gens. « La technologie nous est aujourd’hui imposée, elle vient d’en haut sous forme de grands projets, explique Neil Gershenfeld. Le message des Fablabs, c’est que les milliards de personnes à la base peuvent être sources d’idées, qu’elles peuvent renforcer la capacité d’invention de notre société et créer localement des solutions aux problèmes locaux. » —
Impact du projet
Une centaine de Fablabs dans le monde aujourd’hui, dont une douzaine en France