•  Le passage à la sagesse

     

    (Crédit photo : thierry ardouin - tendance floue)
    « Canopée » n° 8 Actes sud Nature, 162 p., 10 euros.
               
    Article publié dans le

    N° 38 - juillet août 2012

    Vivre autrement

    Il y a les bonnes résolutions des débuts d’année, et il y a celles des vacances d’été. Les premières, qui suivent les agapes mercantiles de Noël, ne présentent en général qu’un aspect trivial – « arrêter de fumer », « se remettre au tennis » – sans grand intérêt. Est-ce l’effet du soleil, des grasses mat’ ou de l’air du large ? Les secondes ont souvent un peu plus d’envergure. C’est notamment le moment où ceux qui veulent « donner du sens » à leur existence livrent leur trajectoire au scalpel de l’introspection. A ceux-là, on ne saurait trop conseiller la lecture du n° 8 de Canopée, la revue annuelle, très écolo, des éditions Actes Sud. Elle a pour titre « Habiter poétiquement le monde ». Un titre qui pourra faire hausser les épaules au cadre sup embourbé dans la frénésie citadine, mais qui prend tout son sens dans la paix de l’été.

    Contre le besoin d’aller vite

    Nous savons tous, intimement, où se trouve la vraie sagesse. Mais Canopée nous rafraîchit la mémoire : elle consiste à retrouver l’émerveillement face aux petites choses, à mieux se relier à ce qui nous entoure, à s’ouvrir à autrui, à renoncer aux mirages du toujours plus, à être positif, à mieux écouter. Et à devenir, comme on dit, créateur de sa vie. « Nous devrions être le changement que nous souhaitons voir dans le monde », dit Gandhi. On notera le conditionnel. Car reconnaissons-le, beaucoup d’entre nous ne le font pas, ou pas suffisamment. Il y a ce besoin d’aller vite, cette peur du changement, ce cynisme qui finit par naître du découragement. Vite, vite, Canopée !

    « Résister avec »

    Premier enseignement tiré de sa lecture : le sens ne se trouve pas dans les gnangnanteries lisses du « new age ». Il éclôt parfois dans la douleur et la crasse. On suivra ainsi l’exemple d’Amandine Roche de la fondation Amanuddin, qui, prise entre deux enlèvements et trois assassinats ciblés, enseigne la méditation et la non-violence aux Afghans (même aux talibans !). Ou celui de Roger des Prés, qui a récupéré une friche de Nanterre (Hauts-de-Seine) écrasée entre deux échangeurs d’autoroute pour édifier la Ferme du bonheur, un lieu d’« agro-poésie » accueillant des animaux, des artistes et des SDF. Ou encore celui de Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute qui a mis en place des randonnées dans le désert pour les jeunes délinquants, drogués ou prostitués. Le second enseignement est résumé par une phrase d’Eric Julien, qui se bat pour les Indiens Kogis en Colombie : « Pour moi, être poétique, c’est être résistant, non pas résistant contre, mais résistant AVEC. » Lue au petit matin dans un RER, sous le crachin de novembre, cette prose passe sans s’imprimer. Mais c’est l’été ! Et tout à coup, elle fait écho quelque part. Ne la laissons pas filer. Septembre est encore loin. —


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  • Chassez l’épicerie, elle revient au galop

     
    (Crédit photo : DR)
    De la maison de retraite au camping, en passant par les habitations isolées, cette supérette équestre sillonne les routes du Morbihan depuis deux ans. Rencontre au petit trot.
               
    Article publié dans le

    N° 38 - juillet août 2012

    Vivre autrement

    « Tout l’hiver, j’ai attendu la reprise des tournées, j’en avais assez des néons ! » Derrière la caisse de l’épicerie de Pluherlin, bourgade de 1 300 habitants dans le Morbihan, Violaine Frappesauce n’était pas la seule à piaffer d’impatience. Stourm, son cheval de trait, a, lui aussi, repris du service à la mi-avril. « On avait arrêté en septembre parce qu’alors les clients se font plus rares, l’activité étant liée au tourisme. Et on doit aussi éviter les intempéries », commente-t-elle. En 2005, après huit ans dans la grande distribution, la brunette a 27 ans et franchit le pas : elle se décide à reprendre une supérette de village.

    Boutade d’un client

    « Avec le commerce de proximité, j’espérais retrouver le lien social qui avait disparu dans mon boulot », explique-t-elle. Mais l’enthousiasme ne fait pas tout. Il lui faudra aussi rassembler 30 000 euros de fonds de commerce et 45 000 euros pour les murs. Sans être « une fondamentaliste écolo », Violaine a toujours rechigné à démarrer sa voiture pour livrer des packs d’eau minérale – elle propose en tout 300 produits, des légumes locaux aux boîtes de conserve – dans le bourg. « J’ai bricolé une charrette accrochée à mon vélo. Puis, sur une boutade d’un client, je me suis dit : “ Pourquoi pas à cheval ? ” » Piètre cavalière selon ses dires, mais amoureuse des canassons, elle se forme à la conduite d’attelage. Le centre de dressage voisin lui confie Stourm. Un nom prédestiné : il signifie « combat » en langue bretonne.

    Crottin dans les jardins

    En avril 2010, le tandem est prêt pour les balades, mais aussi pour traquer les subventions : le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le Conseil général et l’Union européenne apportent la moitié des 20 000 euros nécessaires. C’est enfin une affaire qui roule et, deux fois par semaine, l’« équicerie » dessert le bourg voisin de Rochefort-en-Terre, ainsi que des personnes isolées, une maison de retraite et même un camping ! Pour quelques madeleines vendues – au même prix qu’à l’épicerie –, les personnes âgées se remémorent leur passé à la ferme, les enfants découvrent le doux museau de la grosse bestiole et les touristes, armés de leur appareil photo, mitraillent à toute allure.

    Le chiffre d’affaires de l’équicerie reste modeste. Il couvre tout juste le matériel et les frais liés à l’entretien du cheval. Mais Stourm n’a besoin que d’un nouveau ferrage à 80 euros tous les deux mois, d’un peu d’herbe l’été et de foin en hiver : « Rien à voir avec les frais d’une camionnette. » « La réussite, ce sera d’embaucher mon apprentie de manière pérenne », tempère toutefois Violaine. En attendant, à chaque jour sa petite victoire : « Les produits laitiers finissent en promo et les déchets organiques en compost ! » Et le crottin de son cheval est, lui, valorisé dans les jardins. « A une époque où tout le monde court vers le plus, moi je cours après le mieux », conclut-elle dans un sourire. —

    Impact du projet

    Une tonne de produits tractée à chaque tournée

    Chiffre d’affaires de 9 000 euros

    Sources de cet article

    - Le site de l’épicerie

     La rédactrice Candice MOORS  pour Terra éco  29-06-2012


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  •   Quand les chiffonniers du Caire se tournent vers le soleil

     

    (Crédit photo : Ombline Lucas)
    Chauffe-eau solaires et biogaz : dans la capitale égyptienne, une ONG tente de convertir les plus démunis aux bienfaits des technologies propres. La révolution énergétique serait-elle en marche ?
               
    Article publié dans le

    N° 38 - juillet août 2012

    Vivre autrement

    Quand son responsable pédagogique lui a confié cette mission, Wagdy Wagih a failli s’évanouir. Il faut dire qu’entretenir les 39 panneaux solaires implantés sur les toits du bidonville de Manshiyet Nasser, dans le nord-est du Caire, n’est pas de tout repos : en Egypte, l’été commence dès le mois de mai et le mercure flirte alors avec les 37 °C. Mais, malgré la chaleur, hors de question de refuser pour l’étudiant en ingénierie mécanique : « Solar Cities, c’est mon projet de fin d’études. C’est grâce à lui que je validerai mon diplôme », explique-t-il. Solar Cities, c’est le nom de l’ONG lancée en 2006 par l’Américain Thomas Culhane, docteur en planification urbaine. L’objectif de la structure : fournir des chauffe-eau solaires capables de produire 200 litres d’eau chaude par jour pour une famille (entendue au sens large : grand-parents, cousins, etc.) des quartiers pauvres de la capitale égyptienne.

    Pour y parvenir, seulement quelques tubes de cuivre et des plaques d’aluminium recyclé ! Aujourd’hui, une quarantaine de foyers profitent du système. L’initiative est loin d’être un luxe à « Poubelle-ville », le surnom de Manshiyet Nasser. Là, les Zabaleen, les chiffonniers du Caire, trient les quelque 10 000 tonnes d’immondices que la capitale produit chaque jour. Sans eux, toute la ville serait à l’image de leur cité : un immense amas de détritus nauséabonds et de sacs-poubelles, un terrain de jeu pour les rats.

    Pour financer les chauffe-eau, Thomas Culhane a pu compter sur les contributions de l’Agence culturelle britannique et de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international. Les habitants n’ont rien eu à débourser. « Nous avons conclu un marché avec les habitants, nuance l’Américain. Ils participent à la construction des chauffe-eau et en font la promotion auprès de leurs voisins. » En réalité, l’Egypte fait mine de découvrir l’énergie du soleil : le pays abritait en effet la première centrale thermique solaire au monde en 1912, juste avant que la découverte du pétrole bon marché ne stoppe net cet élan. « Nous ne voulons pas que les gens réinventent la roue, commente Thomas Culhane. On veut améliorer le savoir-faire. D’où notre idée de réaliser, en parallèle, des biogaz dérivés de l’énergie solaire. »

    Epluchures de pommes de terre

    Petit bond en arrière. En 2009, en pleine grippe porcine, le gouvernement abat tous les porcs qui permettaient aux Zabaleen de trier les déchets. Certains les ont remplacés par des vaches et des poules, mais les ordures s’empilent plus vite qu’avant. Thomas Culhane et Hanna Fathy, son relais dans la communauté, trouvent alors la parade. Ils fabriquent des cuves hermétiques pour y stocker les déchets organiques, dévorés par des bactéries qui produisent du méthane en se démultipliant. Deux kg d’épluchures de pommes de terre offrent deux heures de gaz en cuisine. Grâce à Solar Cities, l’eau chaude était déjà gratuite mais, avec le biogaz, faire du thé devient un jeu d’enfant !

    « Avant, on brûlait des déchets ou du bois, que nous achetions, pour cuisiner, raconte la mère d’Hanna. Désormais, c’est plus simple et moins cher. » Une bénédiction quand la plupart des chiffonniers gagnent moins de 12 livres égyptiennes (1,60 euro) par jour et que les dépenses énergétiques mensuelles d’une famille s’élèvent à 6,50 euros d’électricité et 4 euros de gaz ! L’impact de Solar Cities sur le quotidien est donc significatif, mais six ans après le début de l’aventure, le succès n’est pas toujours à la hauteur des espoirs suscités. « Il est difficile de convaincre les habitants, qui pensent que l’énergie solaire est réservée aux hôtels de luxe sur la mer Rouge, admet Thomas Culhane. Beaucoup considèrent qu’avoir un chauffe-eau électrique est un signe de richesse, même s’il doit ne jamais sortir de son emballage à cause de la facture ! » Quant au biogaz, certains craignent tout bonnement l’explosion !

    Education et patience

    « Quand vous faites les choses gratuitement et que l’intérêt n’est pas au rendez-vous, vous perdez confiance », désespère Wagdy, responsable du projet quand Thomas est absent. Et le jeune homme de citer sœur Emmanuelle, longtemps meilleure porte-parole de la cause des chiffonniers. « C’est elle qui avait raison : sans éducation, comment voulez-vous changer les mentalités ? » Avec encore un peu de temps ? —

    Impact du projet

    Une quarantaine de familles profitent d’un chauffe-eau solaire

    2 kg d’épluchures de pommes de terre offrent 2 h de gaz en cuisine

    Sources de cet article

    - Le site de Solar Cities

      Le rédacteur Ombline Lucas pour Terra éco


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  •   « Incredible edible » : un potager citoyen et gratuit pour tous ? Pas si fous ces Anglais

     
     
     

    6/15 - La route des abeilles, panneau pédagogique dans une rue de Todmorden

     

    Sophie Verney-Caillat | Journaliste Rue89

     

    A Todmorden, petite ville du nord de l’Angleterre, des citoyens résistent à la crise en faisant pousser fruits et légumes en libre-service.

    (De Todmorden, en Grande-Bretagne) Par un pluvieux matin d’avril, François Rouilllay, activiste alsacien, nous alerte sur un « phénomène de société sans précédent : l’autosuffisance alimentaire des territoires, ça marche ! »

    Cet enthousiaste à la barbe blanche venait de semer les germes de ce qu’on pourrait appeler la révolution « peas & love » et, à coup de Google Maps et de groupes Facebook, nous annonçait la naissance d’une communauté sans frontière, celle des « Incredible Edible », qu’il a traduit en français par « Incroyables comestibles ».

    A Todmorden, dans le nord de la Grande-Bretagne, nous dit-il, vidéo à l’appui, la révolution industrielle a laissé place à la révolution écologique. Dans ces vertes collines frappées par la crise des subprimes, un groupe de citoyens aurait planté fruits et légumes partout dans la ville et les 14 000 habitants n’auraient ainsi plus qu’à se baisser pour se nourrir.

    Vidéo des « Incredible Edible »

    Intriguée, je suis allée voir sur place si les Anglais avaient bien inventé le potager citoyen.

    Estelle me donne rendez-vous au Bear Cafe, un salon de thé branché situé à l’étage d’une épicerie bio. C’est d’ici qu’il y a quatre ans, tout est parti. Cette retraitée spécialiste des « teddy bears » (nounours) en bois se souvient :

    « Pam est revenue très angoissée d’une conférence de Tim Lang, enseignant en durabilité, au sujet des villes en transition. Elle s’est dit que face au pic pétrolier, on ne pouvait tout attendre du gouvernement, qu’il fallait être intelligent.

    Avec Mary, elles ont pensé à une action concrète, se sont dit : “La nourriture, c’est la chose que tout le monde partage.” Puis, elles ont passé une annonce dans le journal local et, à leur grande surprise, une soixantaine de personnes sont venues. A la sortie, tout le monde voulait commencer à cultiver tout de suite. A 21 heures, en plein mois de février ! »

    Pas de vol possible, c’est à tout le monde

    Les copines ont d’abord planté des blettes en bordure de trottoir, le long du canal. Sans demander d’autorisation. Estelle en rit encore :

    « Imaginez la police arrêter une dame de 68 ans pour avoir planté... D’ailleurs, depuis, le prince Charles [et le premier ministre David Cameron, ndlr] nous a rendu visite. Il était très fier de nous. »

    L’heure de la récolte venue, quel risque y a-t-il que tout soit pillé ? Aucun, assure Estelle :

    « Il n’a pas été utile de mettre un panneau “Merci de ne prendre que ce dont vous avez besoin”, car on n’a jamais vu quelqu’un prendre plus que ce dont il avait besoin. Ça appartient à tout le monde, donc il ne peut pas y avoir de vol. »

    Aujourd’hui, les panneaux « Servez-vous » ont disparu des quelque 70 bacs qui parsèment la ville.

    Expliquer que ça ne fait pas de mal


    Nick dans sa serre à Todmorden, en juin 2012 (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

     

    Dans les serres qu’il a installées à l’orée de la ville, je rencontre Nick, un autre fondateur des Incredible Edible. Ce rouquin en salopette me prévient tout de suite que, lui, il a « le sens du business » (touche-à-tout, il a notamment investi dans l’immobilier).

    Avec sa compagne Helena, ils parcourent chaque été l’Europe dans leur camping-car. En France, il avait été frappé par une différence culturelle majeure :

    « Chez vous, il y a une fierté à avoir des potagers. Ici, en Angleterre, c’est la honte, ça veut dire que vous êtes pauvres. D’ailleurs le mot “potager” n’existe même pas. »

    Helena est fan d’herbes aromatiques, et a l’esprit du « guerilla gardening » (même si elle préfère le terme d’« accidental gardening »), et elle sème surtout des graines de citronnelle, sauge et fenouil.

    Nick et elle ont planté des arbres fruitiers dans les jardins publics, puis les passants ont commencé à leur poser des questions. C’est comme ça que Nick s’est fait prêter des bouts de terre où il a pu s’essayer à la permaculture.

    Ces anciens hippies assument volontiers leur côté « naughty » (vilain) :

    « Quand on fait pousser des légumes gratuitement, il faut expliquer à ceux qui vont les manger que ça ne leur fera pas de mal. C’est une déclaration unilatérale de générosité. »

    « La rhubarbe a un trop grand succès »

    Essaimage

    Une trentaine de ville ont vraiment imité Todmorden et reproduit le réseau des Incredible Edible. Tous les outils développés par les pionniers sont mis en accès libre sur leur site.

    De Fréland (Alsace) à Versailles, Nick et Helena font cet été la tournée des initiatives, jusqu’en Roumanie.

    En ce samedi de juin, Estelle et Helena passent devant l’hôpital, l’école, le poste de police... où pousse leur production. Elles hument le fenouil, goûtent les fraises et vérifient que les rhubarbes n’ont pas été récoltées trop tôt :

    « Face au trop grand succès, on a mis du fumier pour dissuader les amateurs.

    S’il y a trop de fraises mûres à la fois, on fait des confitures. »

    Ni traitement chimique, ni même insecticide, tout pousse naturellement. « La nourriture est à partager... avec les insectes aussi ! », m’expliquent ces amatrices d’abeilles.

    Après avoir « mangé la rue », Helena va acheter sa viande au marché, où les bouchers affichent leur fierté de produire local, et Estelle fait un petit tour au supermarché discount :

    « Ils ont la meilleure huile d’olive et jusqu’à présent, les oliviers ne poussent pas encore à Todmorden. »


    Estelle goûte du fenouil à Todmorden, en juin 2012 (Sophie Verney-Caillat/Rue89)

    « Les gens ont oublié que la nourriture sort du sol »

    L’autosuffisance alimentaire dont nous parlait François l’Alsacien et que les Incredible Edible s’étaient juré d’atteindre en 2018 est une utopie lointaine. Nick commence à vendre les légumes issus des deux hectares qu’il cultive avec des jeunes en réinsertion, à la périphérie de la ville. Il en a tiré 800 livres (1 025 euros) l’an dernier et espère qu’une poignée de personnes arriveront à en vivre :

    « On a besoin de faire de la publicité, il faut du temps pour faire changer les mentalités. »

    Pour l’heure, ce sont surtout les enseignants qui tirent profit de l’expérience : les enfants des sept écoles de la ville ont des cours d’agriculture et le lycée va créer sa propre pêcherie. Demain, la cantine scolaire cuisinera essentiellement la production locale.

    Ici, les agriculteurs sont tous des éleveurs. Moutons, vaches... ils n’ont jamais imaginé faire pousser des légumes. Le climat est supposé trop froid et trop humide. Alors, assure Nick :

    « Si on arrive à produire une nourriture saine, de qualité et avec zéro empreinte carbone, que quelques personnes en vivent, c’est énorme. En Angleterre, plein de gens ont oublié que la nourriture sort du sol. »

    « Plus facile de tout acheter au supermarché »

    En attendant, la petite cité grise regorge de « pubs gastro ». Les « foodies », ces fans de bonne chère, que Jamie Oliver a remis au goût du jour, s’échangent leurs recettes et les potagers privés se multiplient.

    Avec la crise, l’autosuffisance alimentaire est en train de devenir une quête par nécessité. L’épisode du nuage de cendres provoqué par le volcan islandais en avril 2010 a changé la donne, se souvient Estelle :

    « Les gens ont soudain réalisé qu’ils étaient dépendants des importations, il n’y avait plus rien de frais dans les rayons du supermarché. Là, ils ont commencé à nous prendre au sérieux. »

    La ville a donné un peu de terre, du compost, et une subvention pour la construction des carrés en bois.

    Jayne Booth, conseillère régionale, assure que la criminalité a nettement baissé depuis les débuts des Incredible Edible, et veut y voir un rapport. « Il y a un très bon sens de la communauté dans cette petite ville », jure-t-elle.

    Mais Hazal, serveuse dans un pub, n’est pas convaincue :

    « Je mange des plats tout prêts car je n’ai pas le temps de cuisiner, et puis je ne sais jamais quand c’est mûr. De toute façon, c’est plus rapide et facile de tout acheter au supermarché. »

    Elle voit des gens remplir des grands sacs de légumes, « et pas seulement avec ce dont ils ont besoin ». Elle regrette :

    « On ne peut pas les punir puisque c’est gratuit. Il n’y a pas de connexion entre ceux qui donnent leur temps et ceux qui consomment le travail des autres. »

    Entre Hazal et les partisans du potager citoyen, impossible de savoir qui a raison. La récolte est-elle fauchée par des pillards ou dégustée avec parcimonie ? Le secret est dans les estomacs.

     

    MERCI RIVERAINS !Pierrestrato

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    (Crédit photo : bill cramer - wonderful machine inc.)
    Dans ces laboratoires mis à la disposition du public, chacun est invité à concevoir les objets de son choix grâce aux nouvelles technologies.
    Article publié dans le

    N° 36 - mai 2012

    40 projets pour changer d’ère

     

     

    La révolution digitale liée aux ordinateurs et à la communication est terminée. Nous sommes à l’aube de la suivante, celle de la fabrication digitale, annonce en substance Neil Gershenfeld. Cet universitaire américain est l’inventeur des Fablabs, les « laboratoires de fabrication ». En 2000 au MIT, l’Institut de technologie du Massachusetts, il crée une formation baptisée « How to make (almost) anything » (« Comment fabriquer tout – ou presque »). Le but : apprendre aux étudiants à se servir de nouvelles machines numériques permettant de fabriquer des objets. Le succès de ce cours et la créativité de ses participants donnent l’idée du Fablab. Pour créer un Fablab, il vous faut : une machine à découpe laser, un cutter pour faire des circuits électromagnétiques, une fraiseuse à l’échelle du micron pour fabriquer des circuits imprimés, des logiciels de programmation, une imprimante 3D. Mettez le tout librement à disposition du public – étudiants, entrepreneurs, designers, artistes… – et vous obtiendrez un mouvement désormais mondial.

    Il existe aujourd’hui une centaine de Fablabs, aux Etats-Unis et en Afghanistan, en Norvège et au Ghana. En France ? Une douzaine, dont celui de de l’université de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), qui vient de naître. Dans une conférence TED en 2007, Neil Gershenfeld racontait que les Fablabs font d’abord naître une « joie de pouvoir faire soi-même ». Mais pas seulement. Vient ensuite « l’étape de la résolution de problèmes locaux, poursuit l’universitaire. Des instruments pour l’agriculture en Inde, des turbines à vapeur pour convertir de l’énergie au Ghana, des ordinateurs en réseau, etc. »

    Comme un inventaire à la Prévert

    Selon lui, tout cela n’est qu’un début. Le seul frein actuel à l’expansion des Fablabs est d’ordre économique. « Aujourd’hui, aucun n’est capable de fonctionner sans subvention publique », indique la Fing (Fondation Internet nouvelle génération), qui a rédigé un rapport sur plusieurs d’entre eux. Pour compenser l’ouverture partiellement gratuite – « la raison d’être du Fablab », selon la Fing –, certains louent les machines, produisent à la demande, organisent des cours, aident des entreprises à démarrer un projet… Le Fablab d’Amsterdam a été lancé en 2008 par la Waag Society, une ONG qui s’intéresse à l’action sociale portée par les nouvelles technologies. Il a ses quartiers en plein cœur de la ville, au premier étage d’un château du XVe siècle, place Nieuwmarkt, des locaux prêtés gracieusement par la mairie.

    Son accès est gratuit deux jours par semaine et le manager, Alex Schaub, se tient à la disposition du public. Mais les utilisateurs des machines doivent en échange se plier à une règle : raconter leur projet et les difficultés rencontrées. La liste des réalisations ressemble à un inventaire à la Prévert : un babyfoot avec comptage et affichage électroniques des points, un système pour fabriquer des prothèses de jambe modulables, un chargeur de téléphone qui fonctionne grâce à l’énergie d’un vélo lancé à pleine vitesse… Qu’importent les créations, pourvu qu’elles viennent des gens. « La technologie nous est aujourd’hui imposée, elle vient d’en haut sous forme de grands projets, explique Neil Gershenfeld. Le message des Fablabs, c’est que les milliards de personnes à la base peuvent être sources d’idées, qu’elles peuvent renforcer la capacité d’invention de notre société et créer localement des solutions aux problèmes locaux. » —

    Impact du projet

    Une centaine de Fablabs dans le monde aujourd’hui, dont une douzaine en France

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        Le rédacteur :Emmanuelle Vibert


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  • 10 innovations sociales insolites venues de l’étranger

    Youphil.com a sélectionné pour vous les initiatives sociales les plus originales, voire farfelues, dans le domaine de l'éducation, de la santé ou encore du logement.

    Parce qu’il est parfois bon de s’inspirer de ce qu’il se passe en dehors de nos frontières, le Centre d’analyse stratégique du gouvernement français publie un recueil de “300 propositions, innovations et curiosités sociales venues de l'étranger”. Youphil.com vous a concocté une petite sélection des plus originales d’entre elles, dans le domaine de l’éducation à l’accès aux soins, en passant par le logement, et même la protection des animaux. Vous allez voir, la Suisse a été particulièrement inspirée!

    1. En SUISSE, votre animal doit être en couple!

    Apparemment, les Suisses ne lésinent pas sur la protection des animaux. Depuis 2008, une loi oblige les propriétaires d’animaux dit “d’espèces sociables” (cobayes, tortues, lapins ou poissons rouge) à en avoir deux. Le gouvernement veut ainsi éviter que ces animaux de compagnie ne meurent d’ennui. L’idée paraît farfelue mais elle est sérieuse: une infraction à cette loi peut être punie d’une amende allant jusqu’à 10.000 francs suisses (environ 8300 euros). Certains Suisses prennent tellement cette mesure à coeur qu'ils n'hésitent pas à dénoncer leurs voisins hors-la-loi.

    2. En NORVEGE, on teste les eaux usées pour voir si vous êtes drogués!

    Les scientifiques norvégiens ont mis au point une nouvelle méthode d’enquête sur la consommation de drogue: l’analyse des eaux usées. Selon la revue Environmental Science and Technology, cela permettrait de dresser un bilan de la consommation de drogues d'une ville ou d'un quartier. Une méthode bien plus efficace que les enquêtes d’opinion dans lesquelles peu de gens avouent consommer de la drogue. Seul bémol: en cas de fonte des neiges, une prise en compte de la dilution des différentes substances présentes est de rigueur.

    3. SUISSE: Des “sex-boxes” pour l’éducation sexuelle des plus jeunes

    Poupées, livres et puzzles pour les 4-10 ans, vidéos explicatives, peluches en formes d’organes génitaux et même pénis en bois, pour les plus de 10 ans... La ville de Bâle, en Suisse, a décidé de fournir aux enseignants ces objets rassemblés dans des “Sex-Boxes”, afin d’assurer des cours d’éducation sexuelles aux enfants. Ce “matériel pédagogique” un peu spécial a provoqué la colère de certains élus conservateurs.

    4. ETATS-UNIS: des faux malades contre le refus de soins

    Barack Obama a décidé de s’attaquer aux médecins qui refusent de soigner des patients bénéficiant de l’assurance maladie publique (Medicaid); cette couverture médicale remboursant moins les soins que les assurances privées. Le président américain a donc décidé de tester la bonne foi des médecins: des faux patients bénéficiaires du Medicaid et d’autres ayant souscrit à des assurances privées ont tenté de prendre rendez-vous par téléphone avec des médecins. Les résultats du test montreront si les praticiens concernés ont rejeté ou non des patients sous prétexte qu’ils bénéficient du Medicaid.

    Le nombre de patients pauvres se voyant refuser l'accès aux soins a augmenté depuis la réforme de la santé. Cette dernière permet dorénavant à plus de 60 millions d’Américains aux revenus les plus modestes de bénéficier d'une assurance maladie.

    5. INDE: montez votre maison en kit!

    Après l’énorme succès de sa voiture la moins chère du monde (1500 euros), le groupe indien Tata s’attaque au mal-logement des Indiens. Il lance en 2012 sa maison en kit, la maison Nano. Cette maison de 20m2 à 500 euros se composera de portes, fenêtre, toit et murs intérieurs recouverts soit de jute, soit de fibre de coco. Un modèle à 30m2 avec une véranda et des panneaux solaires sera également mis en vente. Attention, ces maisons ont une durée de vie de 20 ans!

    6. ITALIE: Un coeur artificiel sous télésurveillance

    Pour la première fois en Italie, un coeur artificiel contrôlable à distance via internet a été implanté sur un patient à l’Istituto Clinico Humanitas di Rozzano de Milan. Le patient pourra télécharger les données sur son état de santé et l’état de fonctionnement de son appareil cardiaque sur internet et les transmettre à l’équipe médicale si besoin. Il est l’un des 18 patients dans le monde à participer à un essai clinique. A terme, le système devrait être doté d’une carte SIM afin d’accéder aux données, grâce à un téléphone mobile.

    7. La SUISSE, une banque solidaire

    Ce pays, souvent assimilé à un paradis fiscal accueillant des Français et autres Européens peu enclins à payer leurs impôts, dispose aussi d’une banque solidaire. La Banque alternative de Suisse utilise les dépôts d’argent de ses clients pour financer 60 à 100 des projets par an, dont deux tiers dans le logement social et écologique. Ce modèle fondé sur la finance solidaire existe aussi aux Pays-Bas, ainsi qu’en Allemagne.

    8. ISLANDE: La première constitution participative en ligne

    L’Islande a décidé de réviser sa constitution avec la participation active des citoyens, grâce aux réseaux sociaux. Après avoir été frappé violemment par la crise financière en 2008, le pays aux 320.000 habitants a voulu se doter d’une nouvelle constitution.

    En avril 2010, un Conseil de 25 membres a été élu pour la rédiger. Il a utilisé un rapport de 700 pages regroupant les réponses de 1000 Islandais à un questionnaire sur la séparation des pouvoirs ou encore les affaires étrangères. Le Conseil a ensuite ouvert le débat à tous les Islandais qui ont pu donner leurs avis et suggestion sur les réseaux sociaux.

    Même si le taux de participation à ce rendez-vous démocratique semble moins important que prévu, l’opération est une première mondiale! La constitution sera soumise à un référendum en juin 2012.

    9. SUEDE : Egalia, l’école anti-stéréotype

    Une école maternelle suédoise a tout prévu pour éviter d’inculquer des stéréotypes de genre aux enfants: du choix des livres au placement des jouets, en passant par la façon de leur parler. Nommé "Egalia", cette école part du principe que les comportements sexistes des hommes et des femmes sont une construction sociale qu’il faut éviter dès le plus jeune âge.

    Alors, les enseignants utilisent le moins possible les pronoms “il” ou “elle” pour préférer la forme neutre (sans équivalent en Français). Dans les rayons de la bibliothèque, ni Cendrillon, ni Blanche-Neige. Mais on peut tomber, par exemple, sur une histoire de girafes homosexuelles qui adoptent un petit crocodile abandonné! 

    10. ROYAUME-UNI: de la vitamine D dans les céréales des petits Anglais rachitiques

    Le géant de l’alimentaire Kellog’s va ajouter des vitamines D dans ses céréales, afin de lutter contre le rachitisme des enfants au Royaume-Uni, d’ici la fin de 2012. Cette décision intervient après une étude du groupe indiquant que 82% des pédiatres ont vu les cas de rachitisme augmenter chez leurs patients dans les cinq dernières années. De plus, le nombre d’enfants de moins de 10 ans admis à l’hôpital pour rachitisme aurait par ailleurs augmenté de 140% entre 2001 et 2008.

    Ce manque de vitamine des petits Anglais pourrait s’expliquer par le fait qu’ils passent davantage de temps à l’intérieur des maisons, devant la télévision ou les jeux vidéo.

    Crédit: Flickr/Khalid Albaih.   


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  •   T’as de beaux restes, tu sais ? 

    (Crédit photo : DR) 
      D’un côté, un gaspillage alimentaire scandaleux – selon le Britannique Tristam Stuart, auteur de Waste (Penguin, 2009), nous jetterions la moitié de ce que nous produisons. De l’autre, des gens qui n’ont pas assez à manger. Pour certains, l’équation devient insupportable. C’est le cas de Hunter Halder. Cet Américain vit à Lisbonne, au Portugal, depuis vingt ans. Au début de l’année 2011, il a enfourché sa bicyclette pour faire la tournée des restaurants de son quartier, Nuestra Señora de Fátima, et les convaincre de lui donner leurs restes. Il a ensuite discuté avec ses voisins pour savoir qui souffrait d’un manque de nourriture.

    L’association Re-Food était née. Elle n’avait alors qu’un seul volontaire, son fondateur. Mais le manège à vélo d’Hunter a vite attiré l’attention. Et au bout d’un mois, une trentaine de bénévoles se joignaient à lui. Aujourd’hui, ils sont près de 150 ! Ils ont obtenu un local avec un réfrigérateur pour recevoir et stocker la nourriture, puis préparer des portions dans de bonnes conditions d’hygiène. 90 restaurants et boulangeries offrent leurs restes de repas et de pain. Chaque jour, 160 personnes en profitent. L’ambition de Hunter ? Etendre le système à toute la ville et, au-delà, à d’autres capitales du monde. A table ! —

    Impact du projet

    160 personnes profitent des repas chaque jour      Près de 150 bénévoles

    Sources de cet article  Le site de Refood
     
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        Le rédacteur :  Emmanuelle Vibert

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  •   IOU Project tisse le fil, de l’Inde au Portugal

     (Crédit photo : DR)  

     
        Avant de lancer IOU Project à Madrid en 2011, l’Espagnole Kavita Parmar était une créatrice de mode frustrée. Pourquoi ? A cause de ce système où les artisans ne peuvent être compétitifs face à l’industrie mécanisée de la « fast fashion », la production de masse ultra-rapide. Puis, Kavita a inventé un nouveau modèle, quasi révolutionnaire. Elle fait tisser des pièces de madras par des artisans en Inde. Chaque tissu, unique, est ensuite cousu par d’autres artisans, en Italie ou au Portugal. Ces derniers assemblent des chemises ou des pantalons à pinces, vendus sur le site. Aucun vêtement n’est identique. Le plus : chacun est doté d’un code qui permet de remonter toute la chaîne. Et même de voir en ligne la bobine de celui qui a confectionné votre écharpe. Mais puisque la chaîne est courte, qu’Internet permet de toucher les consommateurs du monde entier, le prix final pour une telle qualité est raisonnable (79 euros la chemise homme). Les tisserands indiens reçoivent, eux, le double du salaire habituel pour ce genre de travail. Neuf mois après le lancement de IOU, 3 000 pièces ont été vendues et Kavita se sent pousser des ailes. En Inde, 20 millions de familles – capables de filer 50 mètres de tissu par jour – dépendent de leur métier à tisser. Si IOU continue de convaincre les consommateurs, ces artisans deviendront plus forts que les machines ! —

    Impact du projet

    3 000 pièces vendues en neuf mois, dans 40 pays

    Sources de cet article:    - Le site de IOU project
                    Le rédacteur :   Emmanuelle Vibert  pour terraéco  ( 17/04/2012)

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  •   12.04.2012

    Happychic donne une seconde vie à ses vêtements

    Happychic donne une seconde vie à ses vêtements

    Happychic est une entreprise textile française qui regroupe 3 marques, complémentaires et non concurrentes (Bizzbee, Jules et Brice), représentant plus de 4000 collaborateurs et 600 magasins répartis dans 12 pays. Engagée dans une démarche de développement durable depuis 2009, l'enseigne a réalisé en 2010 une mesure de l'empreinte carbone de ses activités, pour s'apercevoir que 60% de ses émissions de gaz à effet de serre résultent, des produits que l’entreprise met sur le marché (notamment les vêtements en coton, du fait de l'impact de l'agriculture et de la transformation) - le reste étant lié à l'utilisation et à la fin de vie des produits., Avec l'objectif de réduire, à terme, son empreinte carbone de 50%, l'entreprise s'est donc engagée dans une initiative innovante et originale de recyclage de ses vêtements, baptisée New Life, et qui vient de lui valoir un prix remis dans le cadre du Grand Prix Essec de la Distribution Responsable.
    Concrètement, le projet consiste à redonner une nouvelle vie aux vieux vêtements de ses clients et aux retours qualité, en organisant une filière de recyclage. Objectif : anticiper la pénurie des matières premières, créer un avantage concurrentiel en répondant aux préoccupations de ses clients mais aussi redynamiser l'emploi en France. A partir de la collecte sélective organisée en magasins auprès de ses clients, l'entreprise organise e un tri par couleur, matière et composition, puis transforme les vêtements en fibres en les effilochant, refait du fil avec ces nouvelles fibres recyclées et tricote ce fil recyclé pour en faire des pulls. D'ores et déjà, au titre du test réalisé qui lui a permis de sélectionner ses partenaires en France sur ce projet, 4 tonnes de retours de produits ont été recyclés dont 94% étaient des articles textiles qui ont été effilochés en machine pour être transformés en bourre de coton (le reste représentant des cartons, papiers ou plastiques qui ont été recyclés, et des accessoires ou du textile moisi qui a été détruit). Résultat : les pulls New Life, tricoté à base de fil recyclé, sont disponibles à la vente depuis fin janvier 2012 !


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  •                

     
     
    Ils changent le monde - Dans le township d’Ennerdale, au sud de Johannesburg, séropositifs, enfants du quartier et habitants pauvres réenchantent leur quotidien en faisant pousser des fruits et des légumes.
               

    Article publié dans le

    N° 35 - Avril 2012

    Annah tient dans ses mains un poivron rouge et une patate douce à la peau rose. Elle les manipule avec précaution, comme des objets précieux. A l’ombre d’un pêcher, la jardinière prend une pause. Le soleil est au zénith et la terre est rouge et sèche. C’est l’heure de la palabre avec les autres femmes qu’elle retrouve dans le jardin communautaire presque tous les jours. Au menu de la discussion : la confiture qu’elles vont préparer avec les fruits de l’arbre qui leur offre un peu de fraîcheur. Annah affiche un large sourire, puis se livre.

    Les larmes coulent sur ses joues creusées : « Les légumes et les fruits ont changé ma vie ! Je suis séropositive et sous traitement antirétroviraux. Il y a trois ans, avant de venir ici, j’étais maigre comme un clou ; les médicaments me tordaient les boyaux parce que je ne mangeais pas correctement. Maintenant, je me régale de produits frais tous les jours. Je me sens bien plus forte, je n’ai plus besoin d’aller chez le médecin tous les mois. Et quand je jardine ici, j’oublie tous mes problèmes. » Dans le township d’Ennerdale, à 30 kilomètres au sud de Johannesburg, un petit potager change des vies.

    Des légumes contre les rats

    Autour s’élèvent de petites maisons de briques, entre les terrains vagues envahis par les herbes hautes. La plupart des habitants ne travaillent pas, dans une Afrique du Sud rongée par le chômage (23,9 % de la population active). Et le sida continue de faire des ravages dans le pays le plus infecté au monde par la pandémie. C’est ici qu’il y a quatre ans Lettie Ngubeni a pris sa pioche et commencé à retourner la terre. La parcelle qui bordait le centre social qu’elle dirige était censée être un parc pour enfants. Mais les habitants venaient y déverser leurs ordures. « Je n’en pouvais plus des rats. Et, avec le VIH, on conseille aux malades qui viennent au centre de manger équilibré. Mais ils n’ont pas toujours de quoi se payer les légumes au supermarché. J’ai donc pensé qu’on pouvait les planter nous-mêmes pour améliorer l’apport nutritionnel des séropositifs, mais aussi des plus pauvres, explique la directrice du centre Osizweni (« celui qui vient en aide » en zoulou), ouvert par le Secours islamique. Mais ce n’était pas facile, je ne savais pas comment faire pour que ça pousse ! »

    Née dans la province rurale du Kwazulu Natal, Lettie avait toujours vu sa mère planter des légumes. Mais quand elle débarque à Johannesburg à 19 ans pour trouver un emploi, elle oublie le travail de la terre et le rythme des saisons. « Pour moi, ici, on n’avait pas besoin de faire pousser des pommes de terre ou des betteraves. C’était bon pour la vie dans les campagnes ; ça n’allait pas avec le fait d’avoir un travail en ville. Et puis les courettes devant nos maisons me semblaient trop petites pour faire un potager. Il m’a fallu du temps pour comprendre que j’avais tort ! »

    Piments, pastèques et patates

    Lettie finit par convaincre. Des femmes la rejoignent pour entretenir le jardin. Aujourd’hui, plus d’une cinquantaine de personnes s’investissent toute l’année. Les agents du ministère de l’Agriculture viennent les conseiller. Tous les jeudis, on décide des plantations ou on apprend à mieux s’alimenter dans les groupes de parole. En cette fin d’été austral, on récolte les betteraves rouges, les piments, les aubergines, les pommes de terre, les haricots verts, les pastèques, les épinards… Ils nourrissent les enfants qui participent aux activités du centre l’après-midi. Au début du mois de mars, les jardiniers d’Osizweni ont aussi décidé d’ouvrir un petit marché. Ils vendent le surplus de légumes à très bas prix pour les gens du quartier. « Pour 15 rands (1,50 euro), j’ai acheté des patates, des carottes, des oignons et des tomates. Je ne pourrais jamais me payer tout ça autrement ! J’arrive de la clinique, mes défenses immunitaires sont au plus bas. J’en ai vraiment besoin », explique Portia Ncengwa. Cette séropositive espère pouvoir venir jardiner ici quand elle sera plus en forme.

    Convaincre les jeunes

    Le centre a fait des émules. Grâce au soutien du gouvernement qui distribue outils et graines, 750 habitants d’Ennerdale et des bidonvilles alentour ont lancé leurs propres jardins. Devant leur cabane de bois et de tôle, Moosa Pitso et sa femme Jamila plantent désormais de quoi nourrir leurs sept enfants. « Grâce à Osizweni, j’ai réalisé tous les bienfaits de la terre. Je suis si fier de mon potager et heureux de voir les voisins se mettre à jardiner aussi ! En deux ans, le township a déjà beaucoup changé », assure Moosa. Mais il faudra encore convaincre les jeunes. « Ils pensent toujours que, quand on plante, c’est parce qu’on est pauvre et qu’on a pas assez d’argent pour aller au magasin », déplore Alinah Mabaso, travailleuse sociale. Mais ils n’ont rien à faire de leurs journées… J’espère qu’en venant au marché ils saisiront qu’ils ont tout à gagner à participer. » Les graines n’ont pas fini de pousser à Ennerdale. —

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    Le rédacteur :   Sophie Ribstein   Correspondante de « Terra eco » en Afrique du Sud.

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